Prologue

Publié le par les chroniques drydanes

 

Boldo, à quatre pattes sous un immense tronc couvert de mousse, trancha à l'aide de son couteau rouillé les tiges d'une poignée de sifrans, ces petits champignons très prisés des marchés pour leur goût légèrement épicé. Maigre butin qu'il rangea aussitôt dans sa besace. Puis l'adolescent se releva , rangea son couteau et jeta un coup d'œil attentif aux alentours. Personne. Si jamais on le prenait à braconner dans la forêt domaniale de son seigneur il finirait directement sur la potence. Tel était le prix de la survie de sa famille. Sa main tapota la sacoche avec satisfaction : les quelques deniers qu'il allait en tirer feraient la fierté de ses parents. Boldo reprit son chemin et vérifia avec soin les pièges qu'il avait dissimulé ici et là. Avec un peu de chance ils rentreraient ce soir avec un lièvre sous le bras. Son regard se porta à une centaine de mètres en contre bas des arbres, là où serpentait un ruisseau. Son frère était chargé d'y pêcher quelques vairons et autres poissons abondants dans ce coin ci de la foret. Un détail l'interpella. Son bonnet en laine jonchait le sol feuillu. Rapidement il se porta à sa hauteur et le ramassa. Oto n'était pas du genre à perdre ses affaires par négligences, elles avaient beaucoup trop de valeur. L'inquiétude le gagna.

  • Oto? Appela t il sans crier pour éviter d'alerter d'éventuelles patrouilles.

Mais personne ne répondit. Alors il décida de remonter le ruisseau, son frère ne devait pas être très loin car ils venaient de se séparer à peine il y a quelques instants. Oto en faisait toujours à sa tête, il n'écoutait jamais les conseils avisés de ses parents ou de ses grand frère maugréa Boldo en enfouissant ses mains dans les poches de son pantalon sale. Un épais nuage grisâtre vint à masquer le soleil, la luminosité baissa tandis qu'un vent frais balaya les feuilles.

  • Oto ? Rappela le jeune homme cette fois ci un peu plus fort.

Les gardes du seigneur l'avait peut être attrapé songea t il en accélérant le pas. Mais il chassa cette idée, Oto aurait crié pour l'alerter.

Soudain il perçut sur sa droite, derrière un talus, les pleurs de son frère.

  • j'arrive Oto, ne t'inquiètes pas je suis la ! cria Boldo tout en escaladant la petite bute.

Arrivé en haut il stoppa net, la bouche ouverte et le cœur déchiré par l'effroi.

Oto était assis sur le sol et faisait face à deux hommes. Habillés à l'identique ils portaient une longue cape noir dont la capuche recouvrait leurs têtes. On ne distinguait pas leurs membres mais ils paraissaient très maigres. Ils se retournèrent pour l'observer. Boldo ne put s'empêcher de crier de peur. Les hommes portaient des masques d'or uniquement percés au niveau des yeux.

Des yeux rouges qui n'avaient rien d'humain.

L'un d'eux tandis un bras d'une maigreur extrême dans sa direction, Boldo recula mais son pieds buta contre une veille souche entérée et il tomba à la renverse.

Les hurlements de son frère le dissuadèrent de remonter. En larme, il prit ses jambes à son cou.

Petit ses parents lui contaient parfois des histoires de monstres dévoreurs des enfants méchants ou de bêtes affreuses qui rodaient dans les bois une fois la nuit tombée. Avec l'âge Boldo avait compris qu'elles étaient uniquement destinées à les dissuader de faire des bêtises mais là, pour la première fois de sa vie, il avait réellement peur. Une peur primaire ancrée sans ses tripes.

Il courait les poumons en feu. Les branches d'arbre et les buissons foutaient son visage rougit par l'effort, ses bras se couvraient d'égratignures. Il fallait à tout prévenir le premier adulte qu'il trouverait sur sa route, lui crier au visage que son frère était attaqué par des créatures. Les bois de Winlod étaient vastes mais il les connaissait comme sa poche, les premières maisons étaient à moins d'un kilomètre.

Boldo osa jeter un œil derrière lui. A sa grande stupéfaction il vit que les deux créatures se tenaient immobiles sur le talus à l'observer, leurs long bras croisés, empreints d'une sérénité dérangeante. Ils ne cherchaient même pas à se lancer à sa poursuite comme s'ils ne craignaient pas qu'il donne lalerte; comme si, où qu'il aille, ils pouvaient le rattraper.

 

 

 

-  faites vite monseigneur! 

Le baron Tenedor dégrafa son entre jambe et pissa contre l'arbre un long jet jaune, la mine réjouit. Ses longues chevauchées le rendait de mauvaise humeur et toute halte, pour quelques raisons que ce soit, apportaient toujours un peu de réconfort à ses fesses endolories. Heureusement qu'il ne portait pas son armure lourde !

  • «  depuis quand mes officiers ressent ils le besoin de me donner des instructions ?» demanda t il au travers de son épaule.

Derrière lui ses hommes d'armes attendaient sur leurs montures, le capitaine tenant celle du baron serra les mâchoires. Il valait mieux éviter de froisser son seigneur et ne pas répliquer, même en excuses.

Le baron Tenedor fixait l'épaisse forêt de Winlod qui lui faisait face en pensant au splendide gibier qu'elle devait receler. Sa langue saliva à l'idée d'un bon morceau de viande braisé et d'un pichet de vin épicé. Au lieu de cela il devait se contenter de porc salé et d'une flotte au sale goût de gourde en cuir, et ce depuis bientôt une semaine !. Maudits ordres ! Jura t il in petto.

Sa tache finie il secoua son sexe pour y chasser les dernières goutes d'urine et le rangea. Mais alors qu'il s'apprêtait à se retourner pour aller rejoindre ses hommes il lui sembla apercevoir un garçon courant au travers des arbres, l'air affolé. Cette vision fut brusquement coupée d'un voile noir. L'instant d'après l'enfant avait disparu, volatilisé comme par enchantement. Le baron fronça les sourcils. A son âge sa vue se gâtait et son incompétent de médecin ne trouvait rien d'autre que de lui proscrire des saloperies de tisanes infectes. Il balaya du regard les centaines d'arbres. Rien. Tout paraissait paisible là dedans.

Il ronchonna et se détourna de la forêt, mécontent d'avoir été un court instant à la merci de son imagination.

 

 

 

Non loin de la des feuilles poussées par le vent commençaient à recouvrir lentement une besace déchirée.

 

 

 

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